28.9.08

122 - Syndrome de la chambre d'hôte

Il y a 30 ans, les urbains qui décidaient de changer de vie partaient
fonder une communauté dans le Larzac. Aujourd'hui, lorsque leurs
descendants changent de vie, ils ouvrent une chambre d'hôte. D'après le magazine Sciences Humaines, qui y consacre un article dans son numero de mai 2008, la chambre d'hôte est devenue le fantasme de changement de vie n°1 des Français.

En vingt ans, leur nombre est passé de 4 500 à plus de 30 000, selon la direction du Tourisme du ministère de l’Emploi (...) et chaque année, 2 500 Français créent un
gîte rural, une aventure pourtant risquée.
(1)

Il y aurait, donc, un syndrome de la chambre d'hôte.

Pourquoi cet engouement ? D'abord, parce que les Européens se désinvestissent des modèles classiques de la réussite à travers la famille et le travail ainsi que des grands idéaux collectifs comme la religion et la révolution, pour se tourner vers d'autres formes d'épanouissement personnel... Du coup, tout plaquer pour faire autre chose devient une tentation plus forte.

Signe des temps, on trouve en kiosque depuis mars 2008, un trimestriel intitulé Changer tout qui, loin de la gazette marxiste-léniniste qu'on pourrait imaginer, s'adresse plutôt au cadre supérieur qui rêve de se mettre au vert qu'au soudeur de chez Renault qui rêve du Grand Soir. Attention ! Ce qui est en jeu ici n'est pas un simple changement d'activité professionnelle, mais un choix bien plus essentiel, une véritable conversion identitaire.  (2)

Et puis, autre facteur favorable au changement de vie : son allongement ! C'est certain qu'en mourant vers la soixantaine comme on faisait avant (et comme continuent de le faire, hélas, les 3/4 de l'humanité), on se pose moins de questions relatives à l'épanouissement personnel...

Changer de vie, donc, et changer pour moins de stress et plus d'épanouissement. Les Anglo-Saxons ont donné un nom à ce choix d'une vie plus simple et moins stressante : ils appellent ça downshifting.

Oui, mais vous allez me dire : pourquoi la chambre d'hôte ? On peut imaginer bien d'autres façons de changer de vie : partir vivre à Samarcande ou à Lons-le-Saulnier, changer de coiffure, se faire moine bouddhiste, maître-nageur ou maître SM... Devenir accro aux drogues dures ou aux légumes biologiques... Oui, pourquoi la chambre d'hôte ?

Il semble que la chambre d'hôte occupe une place unique au centre des 5 motivations préférées de nos contemporains candidats à la reconversion :

- se mettre au vert,
- se mettre à son compte,
- se consacrer aux autres,
- vivre sa passion, et
- partir loin. (1)


Quelle activité, sinon l’hébergement touristique, s'interroge fort justement Héloïse Lhérété dans le magazine Sciences Humaines, permet de conjuguer toutes ces motivations ?

(1) Sciences humaines.com : Changer de vie, le syndrome de la chambre d'hôte
(2) Claude Dubar, La Crise des identités, Puf, 2000.