13.4.12

172 - Problèmes ambigus

Depuis l'article de Turing sur les nombres calculables (1936), on sait qu'il existe deux types de problèmes : ceux qui sont algorithmiquement calculables, qu'une machine peut résoudre, et les autres. L'historien des sciences George Dyson pense que, si on sort du cadre strictement mathématique, il est utile d'en distinguer une troisième sorte, qu'on pourrait baptiser problèmes ambigus, qui sont calculables en théorie mais que nous sommes incapables en pratique de formuler dans un langage non-ambigu.
We can divide the computational universe into three sectors: computable problems; non-computable problems (that can be given a finite, exact description but have no effective procedure to deliver a definite result); and, finally, questions whose answers are, in principle, computable, but that, in practice, we are unable to ask in unambiguous language that computers can understand. (1)
Car l'approche purement mathématique de la résolution d'un problème néglige le fait capital que nous vivons dans un univers réel où des réponses traînent un peu partout. Pourquoi se donner la peine de formuler rigoureusement une question - tâche qui peut être formidablement difficile - quand la réponse est peut-être posée devant nous ?
We do most of our computing in the first sector, but we do most of our living (and thinking) in the third. In the real world, most of the time, finding an answer is easier than defining the question. It's easier to draw something that looks like a cat, for instance, than to describe what, exactly, makes something look like a cat. A child scribbles indiscriminately, and eventually something appears that resembles a cat. A solution finds the problem, not the other way around.  (1)
Et c'est particulièrement vrai, bien sur, dans un monde où Google existe. Le chemin qui amène à la réponse sans passer par la question explicitement posée est souvent le plus court. Plutôt que d'un outil de calcul, on a alors besoin d'un outil de navigation, et c'est bien ce que l'ordinateur est en train de devenir... En 1958 déjà, un certain Irving J. Good, ancien assistant et collègue de Turing, affirmait ceci, qui sonne étonnamment moderne à mes oreilles :  
A network, whether of neurons, computers, words, or ideas, contains solutions, waiting to be discovered, to problems that need not be explicitly defined. It is much easier to find explicit answers than to ask explicit questions. And some will be answers to questions that programmers will never have to ask. (1)
Ce qui est amusant c'est que l'ordinateur est né du rêve d'Alan Turing (et d'autres !) de construire un cerveau artificiel... et qu'elle est en train de devenir un simple outil de consultation. A moins que le processus même de la pensée ne tienne lui aussi de la navigation, plus que du calcul ? La polémique autour de l'expérience Watson montre bien, en tous cas, que les deux choses sont parfois difficiles à distinguer l'une de l'autre... 
Et puis, c'est Turing lui-même qui l'a écrit en 1948 : 
Intellectual activity consists mainly of various kinds of search. (2) 

(1) Turing's Cathedral | Conversation | Edge
(2) Alan Turing - Intelligent machinery
Voir aussi : 

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